Criar um Site Grátis Fantástico
La vie rêvée des anges streaming 1440p

Accueil Bout de Vie


Qui sommes nous ?
Bout de vie… est née de la rencontre, de l’amitié et de la collaboration de personnes issues d’horizons différents, fortement sensibilisées par la cause des personnes amputées. Réunissant amputés et non-amputés, la même foi anime ses adhérents. l’amour de la vie. Notre association n’a pas vocation à regrouper exclusivement des amputés. Bien au contraire.

Objet de l’association
Bout de vie… a pour objet d’aider et accompagner les personnes amputées quel que soit leur âge, la nature, le degré et l’ancienneté de leur mutilation, à disposer des « clés » et « outils » leur permettant de tenter d’appréhender, d’intégrer, de s’adapter et de surmonter leur différence par la valorisation de leur potentiel de vie et du sens du dépassement de soi.
Plus concrètement, Bout de vie… se donne pour objectifs :
– de promouvoir la cause des personnes amputées auprès des pouvoirs publics et de l’opinion publique;
Рde faire prendre conscience aux personnes amput̩es de leur potentiel de vie;
Рde promouvoir les initiatives personnelles et collectives de personnes amput̩es;
– de briser l’isolement dans lequel se terrent les personnes amputées;
– de dynamiser la recherche et l’innovation en matière de prothèses;
– d’aider les personnes amputées à concrétiser des projets de vie dans les domaines sportifs et culturel;
– d’assurer le financement d’appareillages spécifiques en présence d’amputations « orphelines »…

Nous avons choisi comme symbole de notre association un dauphin dont la queue est détachée du corps. Au-delà de l’illustration évidente de l’acte d’amputation, le dauphin symbolise la joie de vivre et la sociabilité à l’extrême.
Tout un programme lorsque l’on sait que toute personne amputée souffre d’un déficit chronique de contacts sur l’extérieur…. faute à sa différence.
La présence d’un soleil en clin d’oeil symbolise l’espoir et la joie de vivre que souhaite véhiculer l’association.

Les derniers articles du site :

Une nuit ventilée mais j’en ai pris mon parti, le lieu est tellement beau, comment lui en vouloir? Une plage de sable blanc de plusieurs kilomètres et personne, personne, personne… Ce matin, l’ouest a compris que ses blagues ne me faisaient plus rire alors l’est était déjà en place, au moins je sais à quelle sauce on va être mangé. Passé le cap de mon abri, un mur de glace m’oblige à zigzaguer, la
prudence est le mot clé de ce mauvais passage saupoudré de courants violents et contraires, bien sûr. Le soleil est enfin au rendez-vous ce qui donne presque un air estival, à l’abri du vent il fait un bon 9°, la canicule. Je vise une petite île qui coupe un peu la longue traversée qui se présente à l’étrave d’Immaqa, 6km c’est vraiment peu mais avec 1nd de courant et un bon 15nds de vent cela fait une moyenne de vieux retraité clopinant. Mais je prends mon mal en patience cela fait au moins 125km que le vent est contraire, alors pourquoi changer. Le soleil est juste dans le cap que je dois prendre et je n’arrive pas du tout à deviner l’île. La carte et le GPS remplacent mes yeux éblouis. Au bout de 2h de galère, mais de bonne humeur, enfin une tache blanche de sable semble apparaître, serait ce « mon » île ?Là aussi, un mur de glace me demande la plus grande prudence pour ne pas éperonner Immaqa, mais là bas sur l’île, quelque chose se passe. Il me semble voir du monde, la folie du solitaire serait-elle à mes côtés. J’accélère le rythme pour découvrir un homme qui me surveille aux jumelles. Le kayak réceptionné par cet inconnu, je lui lance le « aluu » de service
et lui me répond, bonjour en français. Là je suis sur le cul, pardon mais je crois que ce sont les seuls mots qui me sont venus. Devant moi, Jeff et Hélène les « proprios » de cette île perdue au bout du pôle. J’ai du mal à y croire. Il m’aide à sécuriser Immaqa et devant un café chaud, une tartine de beurre confiture et une autre beurre salami, à l’abri du vent, il me raconte son bout de vie. Depuis 34 ans, il visite chaque été le Groenland, il a bossé comme guide sur Ata et connait très bien la baie de
Disko pour avoir guidé quelques touristes égarés en kayak. Sur cette île plate, il a 4 cabanes de 2m² chacune, composées de palettes et de bois flottant, un endroit surréaliste… Pendant 3h nous papotons, je prends des notes, ils me donnent des coins de bivouacs, des places nickels pour un
solitaire et son kayak… Quelle rencontre, je sais même maintenant le nom de la dame enterrée à Ata. Trine Christiansen…

Mais voilà, un nomade reprend toujours son chemin surtout quand le large l’appelle. Cap à l’est vers le village de Saqqaq, le vent et le courant sont contraires, décidément ce sera jusqu’au bout. Enfin le village et sa palette pastelle de maisons colorées, est à notre étrave. Dans un coin au loin sur une pierre plate à côté de leur embarcation, 2 hommes semblent affairés. Je crois avoir compris. Mes coups de pagaies se font plus forts, plus puissants, je ne voudrais pas arriver après qu’ils soient partis. Aluu ; Ils me répondent à peine, leur tâche est sérieuse, ils dépècent un beau phoque gras. Par chance, une pierre propice au débarquement me permet de me poser à 3 m d’eux, Immaqa flotte dans un bain de sang. Je leur baragouine si je peux avoir un bout de viande, dans un sac en plastique me voilà avec un bon kilo de bavette. Ils refusent de me faire payer et retournent à leur histoire. Cela me touche profondément. Ici, la vie est rude, on ne s’embarrasse pas de question, la vie polaire va à l’essentiel. Un homme en kayak qui semble arriver de loin passe, on lui donne de quoi manger. D’où il vient, pourquoi il le fait, ça ce sont des questions des hommes d’en bas où tout est facile.

Mon sachet de protéines est fixé à la proue d’Immaqa sur le pont, il ne me reste plus qu’à trouver le bon coin que m’a indiqué Jeff pour monter le camp. La maison rose, le séchoir à poissons, c’est bon, j’ai trouvé l’endroit protégé pour Immaqa et son équipage. Il est déjà tard, mais je suis heureux de cette incroyable belle journée. Au loin un couple vient sur moi, je comprends au premier coup d’œil que ce ne sont pas des locaux. Ils me saluent en anglais, on cause un peu. C’est un groupe de
danois qui séjourne dans la maison rouge à deux pas d’ici. Ils me questionnent sur mon parcours… Mais j’ai une mission, douche et ravitaillement, la mascotte trépigne. Mais voilà, devant le magasin un panneau écrit en groenlandais me laisse entrevoir qu’il ne sera ouvert que demain à 9h, Jo Zef s’est évanoui. Pas de souci, la douche publique est ouverte, à moi le décrassage. Encore un coup du hasard, un magnifique ciseau de coiffeur est posé proprement dans un coin de la salle de bain. Habitué au cheveu rasé, là depuis un moment j’ai la gratouille dans le bonnet, je me transforme avec beaucoup de patience en coiffeur polaire. Me voilà enfin propre, je laisse mon nom et prénom sur la liste d’attente pour la machine communale à laver le linge, demain à 9h20 ça va faire du jus. De
retour à la tente, ce soir ce sera phoque et riz, mais une surprise nous attend. Un petit mouchoir blanc savamment mis dans un coin de l’abside attire mon attention, deux petits pains moelleux… Nos voisins danois nous ont fait ce beau cadeau. Je vais les remercier, ils me proposent même une
double prise électrique pour charger tous mes gadgets électroniques. Vue sur les glaçons qui pètent fort ce soir, des tranches de phoques rissolent dans ma poêle, de l’eau ne cesse de s’accumuler dans ma bouche.

Demain du vent fort est annoncé, ce sera une journée repos et rencontres…
PS. Jo Zef veut dormir devant la supérette pour ne pas louper l’ouverture, sacré mascotte !

Quelle nuit, un vrai combat de Titan, au milieu un kayakiste en balade pris au piège. La cabane qui m’accueillait a été tellement prise par les bourrasques qu’elle tremblait à n’en plus finir, mon thermos est tombé de la table au passage d’une rafale qui nous a ébranlé. En bas à 300 m sur la plage, mon pauvre Immaqa sérieusement arrimé à des caisses de pêche remplies à bloc, de pierres. Chaque heure, avec les jumelles, je le surveillais, la nuit fut blanche et cauchemardesque…

Comme par miracle, ce matin tout est calme, alors nous reprenons la route. L’ouest est là, chic on va faire du kilomètre, alors. Mais non, la chanson est la même, l’ouest est juste là pour rendre la mise à l’eau musclée avec sa houle et ses déferlantes, puis une fois au large il tourne à l’est pour nous faire souffrir. Tout un programme, que je commence à connaître par cÅ“ur. Plutôt que de gémir, je m’évade, m’invente des histoires, retape la maison d’Oqaatsut, je sens même la tarte aux myrtilles que cuisine Karin. Je vois les futurs adhérents Bout de vie affairés à retaper la belle cabane bleue, mais le courant s’en mêle, il veut en découdre avec moi. Ma moyenne est en chute libre, le moral aussi. Pour me saigner un peu plus, une belle barre de glace nous coupe la route, va falloir slalomer entre les glaçons. La température est basse, mes mains s’engourdissent au point que je ne sens plus les pagaies, je dois remettre les moufles de protection, quelle galère de pagayer avec ça. Quand la brume laisse un peu d’espace, les montagnes dévoilent leur couche de neige tombée cette nuit, vivement l’été. Du fait qu’il y a beaucoup de glace, la houle d’est se calme et comme par enchantement, le vent contraire tombe mais le courant lui, augmente, c’est vraiment l’enfer. Au bout de 7h pour seulement 23km de navigation de malade, me voilà bien à l’abri de l’est. Mes bras pour une fois sont laminés, mon moral un peu aussi, mais demain ça ira mieux.

Ce matin, comme tous les lundis à 12h40, j’étais en direct sur les ondes de France Bleu RCFM, un vrai plaisir de partager cette odyssée avec vous. Jean-Charles l’animateur m’a dit hors antenne que vous étiez de plus en plus nombreux à suivre ce voyage et je tiens à vous en remercier du fond du cœur, c’est formidable de vous savoir tous derrière. On vous embrasse bien fort. Demain soir, un coup de tabac va encore arriver, il faut que j’étudie la carte par rapport à ma force du moment.

Même au lit, la petite voix me cause et ce matin elle m’a dit :

РAllez, allez, bouge tes fesses et d̩m̩nage

– Mais il est 5h

РJe ne te le redirais plus mais l̬ve le camp !

Effectivement un truc me rend vigilant, depuis deux jours le baromètre est aux alentours des 990 hectopascals, nous sommes comme dans l’œil d’un cyclone gigantesque. L’iridium reçoit un SMS mais c’est la même chanson, il est illisible, l’écran affiche. incompatible message. Comme d’habitude, je rage sur la dépendance que l’on peut avoir à la nouvelle technologie. Je dois déballer mon PC et le brancher sur mon fameux Iridium pour enfin recevoir, mais par mail, le bulletin de la journée. Pas folichon tout ça, une forte renverse de vent à l’est avec des risques de chutes de neige est prévue, un vrai bel été en somme. En moins d’une heure, nous voilà en mer, qui est encore houleuse de l’ouest qui a soufflé cette nuit.

Mais myrtille sur la crêpe, le chariot qui me sert à mettre à la mer Immaqa s’est encore dégradé et il m’a fallu faire un bricolage rapide dans la houle qui le submergeait, la mer est à 4°. Mais c’est la vie de nomade qui veut ça. Tiens le brouillard est au rendez-vous, lui je ne l’attendais pas. Dans 10 petits kilomètres, il devrait y avoir une cabane, mais avec cette purée de pois il ne serait pas impossible qu’on la loupe. Pour une fois le courant est dans le bon sens, ça au moins c’est positif. La visibilité par moment se cantonne aux petits 100 m et l’abri visé est à au moins 300 m en hauteur, ce serait vraiment ballot de le louper.

Finalement au bout de 2h net, une trouée nous fait apparaître la cabane blanche, là haut perchée dans la brume. Immaqa doit être beaché, cette fois sur de gros galets. Je n’aime pas du tout ce style d’arrivée au surf pour mon compagnon de route. Tel le chat, à 3 m du bord, j’extirpe déjà mes deux jambes pour me retrouver comme un cow-boy sur mon embarcation en sautant rapidement pour le réceptionner. Pour un unijambiste, l’exercice est stylé, seuls les spécialistes peuvent apprécier. Le premier boulot est de mettre à l’abri le kayak. Tant bien que mal entre deux vagues, je le vide au maximum et une fois plus léger, je le hisse sur son chariot en convalescence. Je ne sais par quel miracle, le voilà hors de danger. ouf. Avant de poursuivre, je dois réparer ce chariot qui ne fait plus son boulot correctement. En une petite demi-heure et pas mal de système D, le voilà presque comme neuf. Mais ce n’est pas fini, mon cher monsieur, il faut voir si la cabane est en état pour nous recevoir.

Une belle grimpette au milieu des camarines et niviarsiaq mène à ce refuge de chasseurs. Des douilles et 4 têtes de rennes me guident jusqu’à sa porte qui n’est pas fermée à clé. Parfait, la cabane parfaite. Il y a même un poêle à bois et vu ce qu’il y a sur la plage, c’est l’endroit idéal en attendant la tempête. Je m’affaire à tout monter. Même mon moignon est complètement cicatrisé, un vrai bonheur. Le petit poêle à bois n’attendait que mon allumette et un peu de branches de camarines pour sécher et chauffer la pièce. Je sens que du mauvais arrive alors je ne chôme pas. Du bois de ci de là est coupé et stocké, j’ai même trouvé une scie à moitié enfouie dans le sable, mes anges gardiens font un boulot énorme. Un magnifique torrent est à moins de 200 m, alors avec mon jerrican pliable je fais un plein et mets de l’eau à chauffer, ce sera douche et lavage des « fringues ». Sur une étagère composée de deux vieux bidons de peinture et d’une planche trouvée sur la plage, des trésors nous attendaient. Un gros sachet de pain noir, un fond de confiture à la fraise et 2kg de spaghetti sont là pour le pauvre égaré. Jo Zef me le confirme. On est paumé de chez paumé, faut tout bouffer. On se calme la mascotte, on n’est pas perdu et il nous reste des rations pour encore une petite semaine. A ces mots précis, la pauvre mascotte se jette sur ma prothèse pour me demander une tartine de pain noir avec de la bonne confiture de fraise. Il se jette au sol, convulse. OK la mascotte, juste une alors !

Après les éternelles nouilles chinoises, je peux enfin prendre un peu plus de temps. Le boulot est fait et tout est en règle en cas de gros mauvais temps. Dans ces moments de solitude, il me plait de marcher sur ces plages polaires qui n’en finissent pas. Des traces de bestioles me rendent enquêteur. Un renard, des oies, des rennes, même des morues séchées a moitié fossilisées. Mais, là bas vers l’est, une barre noire m’intrigue. Ici, la brise est à l’ouest qui s’est bien calmé. Soudain, en un claquement de doigt, un vent de nord-est d’une violence extrême balaie tout sur son passage. Mes bouts de bois sous mon bras, je vais au chevet d’Immaqa, il semble bien. Je l’ai remonté hors de marée, calé sur des caisses blanches de pêche perdues en mer et surtout je lui ai créé une ancre nouveau concept. La violence du vent est terrible, mais les rafales viennent de terre, donc le seul souci serait qu’il se soulève pour partir au large. Encore une autre caisse blanche en plastique enfouie à une bonne vingtaine de mètres de lui, il me suffit simplement de la remplir à ras bord de cailloux et d’y fixer solidement son amarre de proue. Si une mauvaise rafale le chope, il restera plaqué au sol…

Au chaud dans la cabane qui vibre en n’en plus finir, je me dis que je suis mieux ici que coincé sous ma tente à lutter toute la nuit. Vu la violence du vent, je ne pourrais dormir mais au moins je serais au chaud et au sec en écoutant la rage du vent du Grand Nord. Demain on se retrouve sur les ondes de France Bleu RCFM avec l’excellent Jean-Charles Marsily à 12h40, je vous raconterai comment s’est passé la nuit…

Avant le départ, une dernière fois je me retourne vers cette croix symbole de liberté qui porte maintenant quelques gouttes de mon sang. Un fou rêveur passé par là, diront les passants. Par ici des passants. La brise est à l’ouest, je suis déjà dans les perspectives kilométriques du jour. Mais les gardiens du détroit de Disko ont compris que le p’tit mec avec son kayak rouge était pressé, comme tous les hommes d’ailleurs. Alors, au bout de 15’, il fait basculer le vent à l’est, juste dans le nez. Mon moral en prend un coup sérieux. non, pas ça. Je me plie aux Dieux des vents et des courants et tente de vider mon esprit, de ne plus penser à ce « contraire » mais de voir le positif. Le froid en profite pour me congeler, en un seul mot je crois. Mes mains collées aux pagaies sont raides, elles me font mal mais je veux croire que ce n’est que temporaire, alors je m’entête. OK j’ai perdu, je dois remettre ma veste de mer et surtout ces sortes de moufles qui sont fixées aux pagaies par des velcros et reprendre mes esprits. Des larmes, en douce coulent sur mon visage. Depuis le cap, je me suis un peu rationné au niveau nourriture et comme hier je n’ai pas navigué j’ai encore plus baissé la quantité de ration, alors psychologiquement, le moral baisse. La houle courte de sud-est me fait danser et surtout baisse ma moyenne. Le brouillard enveloppe les sommets, la nature semble vouloir me donner une énième leçon. Je n’ai rien à dire. Je suis là pour apprendre, alors j’écoute, je note et retiens les leçons.

La route est longue. Au bout de 5h de mer à contre courant et le vent dans le nez, Immaqa se pose sur un lit de graviers, mais la houle déferle et à chaque vague la moitié du kayak est sous l’eau, il me faut un effort surhumain pour le mettre hors de danger… Une boite de poisson en sauce, une éternelle nouille chinoise avec une barre de céréales et un stick de café plus tard, j’allume mon téléphone satellite pour avoir peut-être un bulletin météo de ma douce allemande. Mais les aléas de l’Iridium sont navrants, son sms ne me parvient pas. Il me met souvent ce message qui me rend fou de rage. « incompatible message ». Fuck de fuck et le vent qui se renforce ainsi que la houle. Le coin ne me plait pas. pas assez en altitude, trop dangereux en cas de vague de rupture d’iceberg, il nous faut continuer. Tel l’haltérophile, je décolle Immaqa pour le pousser en mer. Sans casse, nous voilà de nouveau enfin face au vent. 2h plus tard, un talus assez haut et plat pour les 3m² réglementaires du montage du bivouac ; nous voilà en place. Comme par enchantement, le vent tombe et les moustiques en profitent pour se casser les dards sur mes avants bras qui en un mois ont doublé de volume. Mais je sais qu’ici il ne faut pas trainer, en moins d’une heure, le camp est complètement monté ainsi qu’Immaqa, qui sur son chariot un peu bancal, repose hors de danger de quelques vagues traitresses. Avant de me réfugier dans la tente, je plonge mes deux avant bras dans l’eau de mer qui doit être à 4°, jusqu’à ne plus tenir, puis avec un bout de glaçon éparpillé sur la plage de lave, je me rince abondamment. Après 7h de pagaie forcée, ce traitement me permet de n’avoir aucune courbature le lendemain.

La plus belle chose de cette journée, c’est de voir qu’enfin les fleurs de Niviarsiaq sont de retour. L’épilobe à feuille

large est la plante emblématique du Groenland. Ce fut le nom de l’expédition que 4 jeunes avaient vécu à mes côtés été 2015, une « robinsonnade polaire »…

Ce soir, les nuages semblent annoncer du mauvais. J’ai tout calfeutré, et au chaud sous mon bout de toile, je vous envoie toute la plénitude du grand nord, même si en ce moment je suis un peu dans le dur…

PS. message de Jo Zef. Echange nouilles chinoises, contre pile de crêpes tièdes accompagnées de confiture made in Muratello. Adresse de livraison. Mascotte and Co avenue de oncelégéle, Cailleland City 0000 Pole Nord.

14 juillet, fête nationale là bas au pays du bruit, donc ici par solidarité, aujourd’hui c’est repos. Jo Zef se demande bien si, en ce jour de souvenir, je n’ai pas oublié le truc rouge à mettre au costume pour le défilé. Pôvre mascotte, le manque de dessert lui tape sur la tête, le défilé on l’a devant les yeux et sans personne pour nous bousculer. Commandant Glaçon accompagné des adjudants Givré, Congelé… Des grands, des petits et des boums qui pètent tout comme un feu d’artifice, un vrai défilé de 14 juillet. La mascotte, tu ne crois pas que le seul « truc » rouge intéressant que nous connaissons, c’est notre beau kayak Immaqa…

Le temps, ici n’a pas sa place. Ici c’est l’instant présent, seulement et encore seulement. Le reste, des inventions d’hommes et de femmes qui courent derrière l’horloge. A une trentaine de kilomètres de la frontière avec l’océan Arctique, je peux légèrement me décontracter tout en restant vigilant. Ces derniers jours ont été durs, mais n’est ce pas avec la rudesse que l’on apprend. La vie sur un fil pour se sentir libre, la vie sur un fil pour ne jamais laisser accepter l’irréparable, une erreur, un oubli et c’est le carton rouge. Puis le souvenir d’un homme libre, disparu là haut au pays des glaces et des tombes qui n’ont jamais eu de fleur. En ce jour de souvenir de la Révolution française, beaucoup en profitent pour remplir leur compte en banque, d’autres pour peaufiner leur bronzage. En ces temps de barrières et de contre pouvoirs, Danton et Robespierre ont soulevé les foules pour le grand changement, jusqu’au moment où à leur tour ils furent pris par leur folie de pouvoir pour se retrouver à leur tour guillotinés. Belle Marianne, ne te retourne pas, les hommes n’ont vraiment pas changé, ils créent leur empire pour s’enfermer dans leur contrainte.

En ce jour de révolution, pas de grand changement dans notre quotidien. Depuis presque un mois, nous naviguons dans l’un des endroits les plus émerveillants de notre belle planète. Le danger au bout de la pagaie. Il n’y a pas un jour sans rencontre, sans surprise. Hier, après cette longue journée de mer à contre courant, notre premier arrêt ne fût pas convaincant. Trop bas sur l’eau, trop d’eau croupie aux alentours où vivent des milliards de moustiques, continuons la route. Puis la petite voix qui me dit. là bas regarde la belle pente verte, c’est là votre camp. Crevé, mais libre, le bivouac est rapidement monté, un ruisseau à portée de prothèse et du bois flotté pour le coin cuisine. Cette nuit, le vent d’est nous a bercés, ses rafales me faisaient encore plus m’enfouir dans mon bon duvet.

Mais en ce jour de «rien-faire », j’avais envie d’un cérémonial, d’un truc qu’on n’oublie pas. J’avais envie que le personnage du romancier Alexandre Jardin, Le petit sauvage, fasse son Å“uvre. Depuis 1 mois, je pose ma tente au gré du vent, du courant et de mes envies, un sacré privilège à notre époque. La nourriture est basique, le confort rustique, mais que la vie est belle sous le soleil de minuit. En ce jour de liberté, un calvaire a été planté sur ce camp où un poète nomade un peu dingue a passé deux nuits. Deux planches de bois en bon état m’ont donné l’envie d’assembler une croix de bois pour la sainte Liberté. Un long morceau de ligne de pêche pour l’assemblage et un lieu comme il se doit pour la planter au sol. Sans faire exprès, promis juré, je me suis un peu écorché la main, juste sur une veine. Le sang sortait à grosses gouttes, c’est là que l’idée m’est venue. Une encre rouge pour noter la date du 14/07/2017 avec le nom de. LIBERTA. Mon sang pour écrire sur un calvaire érigé au nom de la Liberté, je trouve l’idée magnifique, profonde, très « enfant » mais tellement porteuse d’espoir. La vie sur un fil pour retrouver la liberté, pour faire sa propre révolution. Avant de vouloir que les autres changent, faisons notre propre révolution, laissons le confort derrière pour nous mettre à nu et vivre les yeux grands ouverts. Calé avec de belle pierre de lave, le « passant » se souviendra qu’un Freeman a vécu les deux plus belles nuits ensoleillées de sa vie de nomade. Demain peut-être, nous reprendrons la mer…

Ne croyez pas que j’ai abandonné, c’est juste le chemin qui change. Le nord m’a refusé peu importe, le sud sera ma destination. Une cabane d’un ami volatilisé était cet objectif, il ne l’est plus. Désormais, c’est une cabane qui nous appartient, à ma compagne et moi-même. Vous voyez je n’ai pas abandonné. Ce matin j’ai repris la mer, mais pas pour longtemps, un coup de vent de sud-est m’a décoiffé, remis une deuxième ration d’adrénaline. Décidément le buffet des émotions est à volonté ici ma bonne dame. Planqué dans une échancrure à l’abri des rafales qui atteignent les 30 nds, ma vie repasse en boucle, les bons les mauvais moments, tout s’entremêle. Les anciennes expéditions ressurgissent, elles me font sourire, elles m’émeuvent, la vie n’est qu’une longue expédition. Il n’y a pas de naissance et de mort il n’y a qu’une longue éternité sous plusieurs formes.

Hier soir, dans ma balade d’avant coucher, je suis allé me recueillir sur la tombe d’un enfant. Au milieu de la lave. un tout petit tombeau à moitié ouvert semble supplier le ciel. Les os du gamin sont répandus ici et là. Je pense à lui, à sa famille. A quelques kilomètres d’ici, ils ont retrouvé des momies d’enfants des années 1400. Serait-il un moins chanceux, un plus pauvre pour qu’il n’ait pas eu sa peau de momie, je ne le saurai jamais. Je regroupe les ossements et lui offre un bouquet de plumes et 3 yeux de Ste Lucie que j’ai toujours avec moi, ici les fleurs sont trop rares. Une sorte de prière sort de mes lèvres et je m’en retourne vers ma tente, vue sur l’océan, toujours aussi polaire.

Des chants corses me rendent nostalgique, mais mon île n’est elle pas dans mon cœur. Alors je me laisse bercer par quelques belles histoires. Soudain, une déflagration monstrueuse m’en fait perdre les oreillettes de mon MP3, un iceberg de 30 m de haut, 300 m de long et peut être 100 m de large, explose en mille morceaux. Des pans entiers « splashent » sur la mer, du fond des abysses, des montagnes de glace surgissent. Une série de vagues monstrueuses prend le cap de la petite tente orange. Aucun souci, nous sommes plantés à au moins 6 m au

dessus du niveau de la mer et Immaqa bien haut sur la plage. Mais une série de vagues me fait comprendre l’importance de la hauteur du bon bivouac, ouf !

Ce matin, alors que j’étais calé sur une plage de galets en me demandant si le vent allait se calmer ou pas, j’ai ouvert mon calepin et griffonné ceci. J’ai choisi le chemin de l’inconnu, de la route noire, celle qui donne des raisons d’aimer la vie, ce sillage si tortueux mais qui mène vers la paix intérieure. Par hasard, ici tout est noir, terre volcanique où rien ne pousse, rien ne vit, ici on ne peut que passer. Un lieu où je grandis, où je découvre d’autres limites. Le sillage noir nous permet d’apercevoir ces petites lumières, de les apprécier encore plus. Le Cap des Défunts, c’est certainement le nom que l’on aurait donné à ce promontoire. Aussi sinistre, que mystique, la rudesse en est sa couleur pastel. Ici pas de chasseur, pas de pêcheur, pas d’explorateur, que des âmes en passage qui prient pour leur salut. Si l’enfer existe, ici c’est sa plus belle fenêtre. Seul au milieu de rien, mon âme se purifie, se nettoie de tout le superflu. Le Cap des Défunts est un monastère austère, le passant doit s’y incliner. Quand les tempêtes le retiennent en otage, il ne rêve que de s’enfuir, et quand il est libéré, ce lieu reste à jamais gravé au fin fond de ses souvenirs…

Ecrit sur mon vieux calepin au cap des défunts, 12 juillet année 2017…

Ce matin vers 4h, un miaulement me fait sursauter, ni une ni deux je suis hors de la tente, un chat ici impossible. En fait je me trouve nez à museau face à un renardeau perdu, son cri est plus qu’étrange, il me glace les os. Je ne sais quoi faire, serait-il orphelin. La vie ici est survie. Hier, avant de me coucher, une butte de lave m’a inspiré une grimpette et ma découverte fut funeste. Des tombes éventrées avec des os humains éparpillés un peu partout. D’énormes pierres plates ont été déplacées, peut-être un ours en quête de pitance. Ces sépultures semblent très anciennes, mais qui y repose. Esquimaux qui ont péri par une terrible tempête, explorateur en quête de nouvelle terre ou aventurier assez fou pour y venir en kayak !

Ce matin vers 6h, le ciel s’éclaircit un tout petit peu. Je « dois »repartir vers ma quête du nord. En moins d’une heure, nous sommes sur l’eau, les gestes deviennent simples et précis. Mais le brouillard revient de plus belle, une vraie « cotonnade ». Le courant nous porte, ça c’est bon pour le moral mais ce qui est incroyable c’est ce manque de visibilité, une trentaine de mètres maximum. Par précaution, hier soir les piles du GPS ont été changées, la carte ne nous suffira pas, le passage du delta va être costaud. A pas de loup nous avançons, l’atmosphère est «hitchcockienne », l’air irrespirable, j’ai l’impression de naviguer sur le dos d’un monstre visqueux. L’eau devient marron et pour éviter les hauts fonds de vase, je dois passer loin au large. Mes repaires de côte disparaissent, mes yeux sont fixés sur mon compas qui me donne le cap. Je n’arrive ni à boire et encore moins à m’alimenter, la tension est à son plus haut niveau à bord de l’équipage d’Immaqa. Par moment, je stoppe mes coups de pagaie pour sentir la mer, des bruits de déferlantes me viennent du large. Je ne comprends pas, je suis loin mais très loin au large. Mon GPS me donne à 600m du bord, mais je vire pour m’avancer encore plus en eau profonde. Soudain, une veine de courant me prend et m’amène d’un bord sur l’autre. Mes mains sont cramponnées aux pagaies, je donne toute ma puissance possible, une vague plus traitre que l’autre me balaie le pont, une deuxième encore plus forte manque de me faire chavirer, puis tout redevient calme et tranquille. Mes mains en tremblent encore bien après cet assaut. Le GPS me fixe à presque 1000m du bord mais sera-t-il juste. Depuis le premier cap, il me donne des positions aléatoires, le doute s’installe. Je reprends ma navigation quand j’entends encore des « choses » étranges. Une autre veine encore plus vicieuse me happe, je n’arrive plus à gérer. Avec moi, le kayak frise les 250kg, quand il gîte même avec toutes mes forces il m’est impossible de le redresser. Je visualise ce moment en me disant que ce n’est pas le moment et qu’il n’y aura pas une tombe supplémentaire ici. Je ne sais pas d’où m’est venue cette force mais en un coup de rein, Immaqa se redresse pour se retrouver à plat en haut d’une lame boueuse, je dois trouver la sortie. Finalement le calme revient, comme sur un lac. Et si j’étais devenu fou. Mes mains tremblent, mon cœur bat la chamade. En un clin d’œil je viens de comprendre que je suis un miraculé. Mon GPS me donne encore 5,75 km plus au nord pour sortir de ce piège ou alors faire un 180° et revenir en arrière. Ma décision est rapide, simple, sans aucune excuse, nous retournons en arrière. Cette fois c’est de face que nous forçons les passages et au bout de 2h nous voilà sortis d’affaire…

Naviguant vers le camp précédent, la petite voix enfin revient, elle me sermonne, me corrige. Alors tu ne veux plus m’écouter. Tu vas où sale gosse. Tu as vu l’arche blanche devant toi. Tu y allais directement. Effectivement un truc assez démentiel, s’est présenté à moi. Dans ma route choisie, une sorte d’arc en ciel neigeux semblait m’attendre, une sorte de tunnel blanc. D’un seul coup, superstition ou pas je réalise que la mort était au rendez-vous. J’ai même réussi à le prendre en photo… Au cap, je crie tout fort comme un dingue que je suis un homme libre et personne et encore moins un rêve ne me mettront en prison ou dans un trou de lave perdu au grand nord du Groenland. Je prends la décision de revenir en arrière jusqu’à ma petite maison d’Oqaatsut 300km plus au sud. Oui vous avez bien lu, je ne vais plus au nord. Mon choix de vie est la liberté et une succession de signes m’ont fait comprendre le précieux cadeau qu’est la vie.

Comme par miracle, passé le cap qui me mène au camp que j’ai lâché ce matin, une baleine vient à ma rencontre puis une deuxième, une équipe de phoques en profite pour m’offrir encore de belles « delphineries » et là bas, au bout de cette baie de lave, je vais monter mon camp pour vous envoyer tout l’amour de la vie. Je rassure par téléphone Karin qui est enfin soulagée par rapport aux tsunamis qui ravagent tout en tuant et rasant des villages ; aux courants contraires et surtout à la période très douteuse sur les conditions météo qui annonce encore de très gros coups de vent pour l’avenir.

Tout doucement, je vais longer la côte que je connais maintenant tout en prenant soin de bien observer le ciel, le baro et la fameuse petite voix… Ici au pays d’Apoustiaq, un homme est heureux d’être simplement là où il est, à la place qu’il a. Vive la vie… J’ai encore lu tous vos messages de soutien, vous ne savez comme ils me touchent, merci beaucoup, vous êtes ma force.